Schott Music

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13/07/2015

Œuvre de la semaine – Atsuhiko Gondai : Vice Versa

Le 18 juillet 2015 a lieu au Ishikawa Ongakudo, salle de concert de Kanazawa au Japon, la création de Vice Versa, la nouvelle pièce d’orchestre d’Atsuhiko Gondai, interprétée par l’orchestre Ensemble Kanazawa placé sous la direction de Michiyoshi Inoue.

Une des caractéristiques du compositeur japonais Gondai consiste à unir les contraires que représentent les techniques de composition les plus nouvelles, d’une part, et les idéaux musicaux ancestraux, d’autre part. Les deux mouvements de l’œuvre Vice Versa sont, du point de vue de leur composition, aussi opposés que possible l’un à l’autre. Ces « mouvements contraires » seront donc perçus au sens propre de l’expression « vice versa », c’est à dire à l’inverse l’un de l’autre. C’est l’orchestre Ensemble Kanazawa, pour lequel Gondai avait déjà écrit une pièce en 2005, qui lui a maintenant passé commande d’une nouvelle œuvre orchestrale. Au pupitre de la salle de concert de Kanazawa, le chef d’orchestre Michiyoshi Inoue est le directeur musical de l’orchestre, maintes fois honoré, et dont la renommée, au grand enthousiasme de son public, s’est établie dans le monde entier grâce aux concerts qu’il a dirigés en Allemagne, France, Amérique du Sud, au Japon et en Australie, ainsi que dans de nombreux autres pays. Le compositeur s’exprime ainsi à propos de sa nouvelle œuvre :

Le but de cette composition était de faire en sorte que chaque élément musical reconnaissable soit analysé en fonction de ses caractéristiques contraires, à commencer par la réaction de rejet des deux mouvements l’un envers l’autre. La musique cherche à surmonter cette sphère du rejet, et, dans le dialogue conflictuel des instruments, à atteindre une nouvelle forme d’union et de relation, comme si, depuis un sommet, l’on regardait vers le bas, mais qu’en même temps aussi, on regardait du bas vers le haut. – Atsuhiko Gondai.

En Europe, les 4 et 5 novembre 2015, on pourra aussi entendre de nouvelles pièces de Gondai : dans le Alte Oper, le vieil opéra de Francfort, l’orchestre symphonique de la radio de Hesse, placé sous la direction de Andrés Orozco-Estrada, présentera une nouvelle œuvre orchestrale.

06/07/2015

Œuvre de la semaine – Richard Strauss : Arabella

Le festival d’opéra de Munich, qui, par tradition, représente le couronnement final de la saison, bat son plein en ce moment. C’est dans ce cadre qu’est présentée, le 6 juillet 2015, la première d’Arabella de Richard Strauss, un opéra assez rarement donné. Dans une distribution de très haut niveau, elle fait l’objet d’une nouvelle production signée par le metteur en scène de théâtre et de cinéma Andreas Dresen. Le directeur musical de l’Opéra de Paris Philippe Jordan est au pupitre du Théâtre national de Bavière. Le rôle-titre est tenu par Anja Harteros, soprano mondialement fêtée et entourée ici par Kurt Rydl (Comte Waldner), Doris Soffel (Adelaïde), Hanna-Elisabeth Müller (Zdenka), Joseph Kaiser (Matteo) et Thomas J. Mayer (Mandryka).

Arabella est la dernière œuvre que Strauss conçut en collaboration avec son librettiste Hugo von Hofmannstahl. C’est près de 25 ans auparavant que leur travail en commun avait débuté, avec l’Opéra Elektra. Avec Arabella, les deux artistes souhaitaient renouer avec leur plus grand succès – le Chevalier à la rose –, mais toutefois, comme le disait Strauss, « sans ses erreurs ni ses longueurs ». Cependant, Hofmannstahl vint à mourir avant que l’opéra ne fût achevé, et Strauss composa en se tenant étroitement au texte. Par respect, il n’apporta aucune modification au livret. Tout comme dans le Chevalier à la rose, la présence des cercles aristocratiques viennois, les valses, ainsi qu’une atmosphère générale de mélancolie confèrent à l’action une certaine proximité avec l’opérette. Au centre se tient Arabella, la froide beauté. Selon les plans élaborés par ses parents, elle doit faire un riche mariage. Après de nombreuses complications amoureuses, un heureux dénouement voit Arabella se marier avec le riche propriétaire Mandryka, tandis que sa sœur Zdenka épouse Matteo.

Il faut s’efforcer à donner aux valses une sonorité moins brillante, moins classique, moins pétillante, mais en revanche à ce qu’elles aient plus de nostalgie. Elle doivent étinceler dans toute leur ambivalence de décadence et de patine, d’autant plus que la valse – à la différence du Chevalier à la rose – est ici historiquement à sa juste place. – Philippe Jordan

Arabella ne devint pas un second Chevalier à la rose. Elle possède ses incomparables qualités et ses multiples facettes, et l’intérêt pour cet opéra n’a cessé de croître au cours de ces dernières années. Le mouvement du monde tournant au son de la valse jusqu’à en perdre pied et la difficulté faite aux sentiments sincères et aux fortes convictions dans ce monde de la belle apparence, sont visibles à l’Opéra national de Bavière jusqu’au 17 juillet 2015, puis lors de trois autres représentations entre le 13 et le 19 janvier 2016. Au cours du festival 2015 l’Opéra national de Bavière présente également Elektra et Die schweigsame Frau (La femme silencieuse), deux autres opéras de Strauss.

(foto: Matthias Creutziger – Semperoper Dresden)

25/06/2015

Œuvre de la semaine : Huw Watkins – In the Locked Room

Le 4 juillet, dans le cadre de l’Opera stabile de l’Opéra d’État de Hambourg, a lieu la première de l’opéra de chambre de Huw Watkins In the Locked Room (Dans la chambre close). La mise en scène est de Petra Müller. Sous la direction de Daniel Carter, les rôles sont tenus sur scène par Christina Gansch (Ella Foley), Benjamin Popson (Stephen Foley), Maria Markina (Susan Wheeler) et Vincenzo Neri (Ben Pascoe). La création de cet opéra en un acte date de 2012, où il avait fait l’objet d’une coréalisation entre le Music Theatre Wales et le Scottish Opera. C’est au librettiste et poète David Harsent, avec qui Watkins avait déjà collaboré à « Crime Fiction » en 2009, que l’on doit également le livret de In the Locked Room.

In the Locked Room a pour origine une nouvelle de Thomas Hardy dans laquelle l’héroïne Ella loue une chambre dans une maison de villégiature au bord de mer avec son mari Stephen, obsédé par sa carrière professionnelle. Ella y découvre une chambre verrouillée (« Locked Room »), dont le locataire est le poète Ben Pascoe. Passionnée par le travail de ce dernier, elle se livre de plus en plus à lui en paroles. Mais comme le poète n’est quasiment jamais là, elle se met à fantasmer sur des rencontres avec lui dans la chambre close. Les frontières entre la réalité et l’imaginaire s’effacent de plus en plus, elles échappent à tout contrôle, et détruisent Ella qui finalement décide de rester dans son nouveau monde.

Ella:

Une porte claque dans une maison vide.
Une chambre dans une chambre.
Je connais cet endroit… Je le fréquente dans mes rêves

Huw Watkins décrit la musique de son œuvre In the Locked Room comme:

tournée vers l’intérieur, en reflet, et animée de sentiments profonds. On y trouve des éruptions ponctuelles, et j’espère qu’elles sont d’autant plus violentes qu’elles sont retenues. L’ambiance générale est faite de nostalgie et de mélancolie.

La première du 4 juillet, à l’Opera stabile de Hambourg, est suivie de quatre autres représentations jusqu’au 10 juillet 2015.

foto: Benjamin Ealovega

22/06/2015

Œuvre de la semaine – Hans Werner Henze : Il re Teodoro in Venezia

La composition et l’interprétation ne constituent pas forcément deux choses distinctes. Lorsqu’un compositeur se livre à une activité d’arrangeur de l’œuvre d’un autre, il en devient l’interprète. C’est ainsi que Hans Werner Henze a composé entre 1990 et 1991 sa nouvelle version de l’opéra de Paisiello Il re Teodoro in Venezia. Par ce travail d’arrangement, le compositeur rend un profond hommage à l’égard de son modèle, tout en projetant sur l’œuvre une perspective personnelle. Le 24 juin 2015, cet opéra célébrera, dans une mise en scène de Lenka Horinkovás, sa création en Slovaquie au Théâtre national de Bratislava.

Ce « drame héroï-comique » datant de l’année 1784 raconte l’histoire du baron westphalien et aventurier Theodor Neuhoff. Après quelques mois de règne en tant que roi de Corse, l’argent vient à lui manquer et il est contraint de s’enfuir à Venise sous les yeux de ses partisans. Il trouve asile chez l’aubergiste Taddeo, et tombe amoureux de la fille de ce dernier, Lisetta. Commence alors tout un jeu réjouissant de quiproquos et d’intrigues par lequel Teodoro cherche à dissimuler le plus longtemps possible qu’il a été détrôné et qu’il se trouve totalement dénué de moyens. Ayant fini par échouer dans la prison pour dettes de Londres, l’imposteur démasqué déclare : « Ce monde est comme une roue : qui était en bas remonte toujours en haut un jour ou l’autre ».

De son propre aveu, Henze souhaitait permettre au public une relecture et une redécouverte de l’œuvre. Ses nombreuses transformations réalisées « en tout amour et respect » s’expriment dans la nouveauté de l’instrumentation, dans l’affûtage des harmonies, dans l’ajout de citations de bel canto ou dans des innovations rythmiques. Le noyau de l’instrumentation est formé de douze cuivres et d’un sextuor à cordes, auxquels s’ajoutent mandoline, guitare, percussions et piano.

Les formes anciennes me semblent se présenter comme des idéaux de beauté classique désormais inaccessibles, mais toujours perceptibles dans leur éloignement. La route pour s’y rendre passe par le plus difficile et le plus impossible. Pour moi, c’est comme une sorte de folie qui, seule, permet à la vie d’être vécue. – Hans Werner Henze

La première du 24 juin 2015 est suivie d’autres représentations le 28 juin, le 24 septembre, le 8 octobre et le 12 novembre.

photo: Slovak National Theatre

15/06/2015

Œuvre de la semaine – Krzysztof Penderecki : Ubu Rex

C’est par un « duo de bruits de sommeil » que Penderecki fait commencer son premier – et pour l’instant unique – opéra-comique, Ubu Rex. L’œuvre est fondée sur la pièce « Ubu Roi », de 1896, qui valut à son auteur Alfred Jarry, alors âgé de 23 ans, un mémorable scandale, et qui a la réputation d’être une des premières pièces de théâtre de l’absurde. La création de cet opéra-comique fut assurée à l’Opéra d’État de Bavière, à Munich, en 1991. Le 20 juin 2015, l’œuvre est présentée par l’Opera Baltycka de Dantzig (Gdansk) en Pologne, sous la direction de Wojciech Michniewski.

Ubu Rex se présente en deux actes de chacun cinq scènes. Au premier acte, le capitaine Ubu, un imbécile lâche, cupide et goinfre, est incité par sa femme à assassiner le roi Venceslas afin de monter lui-même sur le trône. La conspiration réussit, Ubu fait distribuer au peuple des viandes et de l’or, et est accepté comme roi (la mise en scène indique : « Tous dansent et se goinfrent. Grande fête populaire »). Son premier acte de gouvernement consiste à faire mettre à mort les nobles, les juges et les responsables financiers (scène 5 : « le décervelage »). Sa politique se borne à entasser les énormes sommes d’argent produites par des impôts démesurés. Après avoir été vaincu par l’armée du tsar de Russie, l’insensé tyran prend la mer sur un voilier, avec son épouse et ce qui reste de sa suite, afin de gagner un pays qui sera, dit-il, « digne de lui ».

L’appellation générique d’ « opera buffa » employée par Penderecki est une allusion directe aux grands maîtres du genre, et en particulier à Rossini qu’il considère comme inégalé. En composant cet opéra, dans les années 1990 et 1991, Penderecki se libéra de la contrainte, jusque-là sensible, d’avoir à composer toujours dans la nouveauté et la radicalité. Tout est autorisé, tout est actuel.

Pour composer un opéra-comique, on doit vraiment avoir une grande expérience, et avoir pris une certaine distance avec ce que l’on vécu. On doit être capable de rire de soi, chose que l’on ne sait pas encore faire à 30 ans. – Krzysztof Penderecki

La production de Dantzig, dont la première, en 2013, marquait le 80e anniversaire de Penderecki, sera reprise dans le cadre du Festival de musique de la Sarre, qui invitera la production de l’Opera Baltycka le 27 juin à Kaiserslautern, et le 29 juin à Sarrebruck.

08/06/2015

Œuvre de la semaine – Olli Mustonen : Quintette avec piano

C’est le 12 juin qu’aura lieu, dans le cadre du festival SPANNUNGEN (« Tensions ») de la centrale électrique de Heimbach (« RWE Kraftwerk Heimbach »), la création mondiale du Quintette avec piano de Olli Mustonen. L’œuvre a fait l’objet d’une commande passée en commun par ce festival, par le Wigmore Hall de Londres, et par le festival suédois O/Modernt. Cette création se présente au plus haut niveau d’interprétation, puisqu’elle est confiée à Christian Tetzlaff, Florian Donderer, Hartmut Rohde, Gustav Rivinius, ainsi qu’au compositeur lui-même. Le concert sera retransmis par la Deutschlandfunk.

Doué d’un talent universel, Mustonen se consacre à la composition, à la carrière de pianiste, à la direction d’orchestre ainsi qu’à l’enseignement. Dès l’âge de douze ans, il interprétait son propre concerto pour piano. L’œuvre de Mustonen ne peut être ramenée à une tendance compositionnelle donnée, elle est au contraire faite d’un ensemble d’éléments des plus différents mais associés ensemble à la construction d’un langage musical original. Ses moyens d’expression vont ainsi « du baroque au minimalisme », comme « du postromantisme à une nouvelle spiritualité » (Susanna Välimäki). Une de ses spécificités se trouve dans la profonde relation à la nature dont toute sa musique est imprégnée. Lui-même compare la « sensation de la grande musique » au sentiment de « s’abandonner à une nature demeurée intacte ».

Le Quintette avec piano se compose de trois mouvements : le premier mouvement chargé de tension (Drammatico e passionato) est suivi d’un Andantino au caractère méditatif dont les variations polyphoniques succèdent aux sonorités d’un cluster chromatique (Quasi una passacaglia). Le troisième mouvement  (Finale : Misterioso) reprend les thèmes des mouvements précédents. Ils paraissent tout d’abord diffus et disparates, jusqu’à ce qu’ils finissent par constituer un hymne terminant le mouvement dans l’extase et la jubilation. La musicologue finlandaise Susanna Välimäki décrit sa propre sensation d’auditrice :

Dans les œuvres de Mustonen, comme en un clin d’œil, en un accord, en un clignotement de lumière, le quotidien devient sacré, le normal devient mystérieux. Chaque œuvre de Mustonen est un voyage intérieur. – Susanna Välimäki

La création de Heimbach est suivie, quelques jours plus tard, de la première audition en Suède, le 17 juin 2015 à Stockholm. La première audition britannique est prévue en 2017 au Wigmore Hall.

01/06/2015

Œuvre de la semaine – Paul Hindemith : Cardillac

Paul Hindemith ressentit pour le héros de son opéra Cardillac une sympathie immédiate : un talentueux orfèvre parisien frappé, aux alentours des années 1680, par la folie. Il ne peut plus se séparer de ses merveilleux bijoux (« trop beaux pour des regards humains »). La nuit, Cardillac assassine les acquéreurs de ses joyaux et reprend pour lui ce dont il est le créateur. Ses actes ne lui procurent aucun remords. Même lorsque le peuple se précipite sur lui afin de le saisir pour le mettre à mort, l’orfèvre persiste dans la cupidité de sa conviction : « ce que j’ai créé m’appartient ! »

Dans sa musique, Hindemith engagea la bataille contre les clichés de l’opéra. Il en résulte une impression de froideur distanciée, qui peut être parfois source de malaise. Quand, à la fin du premier acte, se produit sur scène l’un des meurtres commis par Cardillac, résonne dans la fosse d’orchestre un joli duo de flûtes.

En 1952, Hindemith composa une seconde version qui insiste plus lourdement sur l’aspect criminel de Cardillac. Hindemith avait depuis longtemps recherché un matériau adéquat. Ses trois opéras en un acte Sancta Susanna, Das Nusch–Nuschi, et Mörder, Hoffnung der Frauen (Assassin, espoir des femmes), lui avaient déjà valu ses premiers succès scéniques. Bien que n’ayant pas retenu les propositions de sujets d’opéra faites par son éditeur Willi Strecker, il brûlait d’envie, cependant, de composer un nouvel opéra :

Si je disposais d’un livret d’opéra, je réaliserais en quelques semaines le plus grand des opéras. J’ai les idées parfaitement claires sur les questions de l’opéra nouveau, et je suis certain d’être capable de les résoudre immédiatement en intégralité — pour autant que cela soit possible à l’homme. — Paul Hindemith

C’est en prenant connaissance de la nouvelle de E.T.A. Hoffmann « Mademoiselle de Scudéry », que Hindemith trouva le matériau qu’il recherchait. Il composa la musique à une vitesse telle que le librettiste Ferdinand Lion eut grand-peine à le suivre dans son adaptation du texte.

C’est le 6 juin 2015 qu’aura lieu la Première de Cardillac au Landestheater du Schleswig-Holstein à Flensburg, dans une mise en scène de Markus Hertel, l’actuel directeur de l’opéra de ce théâtre. L’Opéra national de Vienne donnera en juin trois représentations de l’œuvre dans la mise en scène de Sven-Erich Bechtolf (22, 25 et 29 juin).

Photo : Wiener Staatsoper / Michael Pöhn

06/05/2015

Décès de Maïa Plissetskaïa : Schott Music en deuil

La « primaballerina assoluta », épouse du compositeur Rodion Chtchedrine (que nous éditons), est décédée à Munich le 2 mai à l’âge de 89 ans. Elle était l’une des plus importantes danseuses de notre temps, et faisait partie des amis des éditions Schott depuis de nombreuses années. En l’an 2000, elle avait donné naissance à Mayence, avec son époux, à la « Fondation internationale Maïa Plissetskaïa et Rodion Chtchedrine ». Dans le cadre de cette fondation, elle mit notamment en place le Prix « Maïa Plissetskaïa Award », récompensant de jeunes talents dans les domaines de la danse, de la composition et de l’interprétation, attribué cette année au chorégraphe Gil Roman. C’est chez Schott Music que parut en 2009, sous le titre allemand « Haltung bewahren » (« Rester en position »), la seconde partie de ses mémoires dans laquelle elle jette un regard rétrospectif très personnel sur une carrière incomparable et sur le trajet de sa vie.

Maïa Plissetskaïa personnifie mieux que toute autre danseuse la grande tradition du ballet classique, alliant dans son art la perfection technique à une gestique subtile et à une expressivité dramatique unique en son genre. Elle commença sa carrière en 1943 au théâtre Bolchoï, où elle fut rapidement promue prima ballerina assoluta, et où on put l’admirer jusqu’en 1989 dans tous les grands rôles, parmi lesquels plusieurs milliers de fois dans le solo de « La Mort du cygne » de Camille Saint-Saëns.

« C’est le temps qui redonne aux choses leur propre place. Il suffit d’attendre le temps qu’il faut, » avait dit un jour Maïa Plissetskaïa. Sa vie fut étroitement liée au destin politique de sa patrie la Russie. Née le 20 novembre 1925 dans une famille comptant de nombreux artistes, son père fut assassiné par le régime de Staline en 1938, et sa mère déportée au Kazakhstan. Discréditée en tant que « fille d’ennemis du peuple », ce n’est que plusieurs années après la mort de Staline qu’elle eut le droit de partir en tournée aux États-Unis avec le Bolchoï. Son accession rapide à une carrière internationale lui permit d’occuper une position artistique indépendante, et d’inviter au théâtre Bolchoï des chorégraphes de l’Ouest tels que Maurice Béjart. Béjart composa pour elle encore longtemps après ses adieux de la scène des chorégraphies dont la dernière, « Ave Maïa », fut dansée par elle alors qu’elle était âgée de 70 ans. Elle créa des chorégraphies sur des musiques de son époux Rodion Chtchedrine, dont elle interpréta elle-même les premiers rôles, comme par exemple pour « Anna Karénine » et « La Mouette ».

« Ah, comme elle dansait alors ! C’était un miracle. Une boule d’énergie, la sûreté personnifiée. Quand elle dansait, elle faisait régner la magie dans la salle », disait Chtchedrine, décrivant ses sensations au sortir de ses représentations. Bien que les officiels du régime soviétique l’eussent mis en garde contre une relation avec la danseuse, ces deux artistes d’exception formèrent un couple qui travailla et vécut ensemble durant près de cinquante ans. À la fin, ils vivaient alternativement à Munich et à Moscou. Le 15 mai, a lieu à Lucerne un concert commémoratif « In Memoriam Maïa Plissetskaïa », dans le cadre duquel sera également attribué le « Maïa Plissetskaïa Award » de cette année ; l’Orchestre symphonique de Lucerne sera placé sous la direction de son chef James Gaffigan.

Ceux qui connurent Maïa Plissetskaïa n’ont pu qu’admirer son inflexible force d’âme, sa grâce et sa gentillesse. Nous, la direction et les collaborateurs de Schott Music, exprimons toute notre considération, notre reconnaissance et notre amitié pour elle.